"Confinées..." : une exposition éphémère pour prendre la parole et témoigner de la réalité vécue

Chaque année dans le quartier Amandier-Belleville, dans lequel est situé la FASTI, a lieu à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes le Forum Femmes en action. Ce Forum est un événement important qui a lieu sur plusieurs jours et dont l’objectif est de visibiliser et valoriser les initiatives menées par des femmes du quartier. Cette année au vu du contexte sanitaire il a été décalé au début du mois de juin.

« Nous nous sommes retrouvées, d’abord pour parler de nous, de nos vies, de nos espoirs, nos peurs, nos rêves pour nous et nos enfants.
Entre nos souvenirs, nos vies là-bas et nos vies ici, entre notre passé et notre futur comment dessiner nos vies ?
Petit à petit avec l’aide de Marlène, nous avons commencé à dessiner des visages de femmes…
Les cintres entrelacés ont été le support des visages que chacune d’entre nous a réalisée, et la création de chacune s’est solidarisée avec celle des autres et nous avons travaillé des textes et d’autres éléments pour décorer et faire ressortir le monde juste et d’égalité des droits dans lequel nous voulons vivre. Un monde dans lequel les femmes auront toute leur place.
Tous les mercredis après midi dans une ambiance de sororité nous avons beaucoup échangé, ri aussi et créé.
Nous sommes fières de présenter un peu de nous-mêmes. »

Cette œuvre a été réalisé dans le cadre du projet « La Ronde des Femmes » de la FASTI.
Marlène Bourderon, peintre et plasticienne a accompagné l’atelier de création de collective.

Les témoignages exposés pour "Confinées..." :

« Le premier confinement c’était dur, trop dur. Du jour au lendemain je me suis retrouvée seule avec ma fille dans la chambre d’hôtel de 9m2, sans rien, même pas de place pour un berceau pour ma petite.
Dans la chambre il n’y a rien, pas de microonde, pas de frigidaire. On ne pouvait pas descendre dans le hall ou se promener. Tout que je faisais avant pour assurer notre survie n’était plus possible, même aller chercher un colis alimentaire.
Heureusement que le 115 a commencé à nous amener des produits de première nécessité.
A cette période, tout était fermé même la préfecture. Je venais d’avoir un refus et je ne savais pas ce qu’il fallait faire. J’étais tenaillée par l’angoisse, j’ai pensé un moment à partir mais où aller ? tout était fermé…
Avec les voisines de chambre on essayait de se parler, se donner du courage mais nous étions toutes avec nos problèmes, nos inquiétudes sur la maladie et on essayait de faire attention quand même … En fin de compte, on était repliée sur nous-même et nos enfants. Le téléphone était le seul moyen de s’évader mais on devait faire attention au crédit.
Ma fille de 2 ans n’a pas du tout compris qu’on ne pouvait pas sortir, qu’il fallait rester enfermée et qu’on n’avait même pas le droit de sortir dans les couloirs. Elle a très mal supporté. Elle était surexcitée, elle bougeait dans tous les sens, impossible de la tenir. Elle n’arriver pas à se poser, à jouer un moment toute seule, je devais tout le temps m’occuper d’elle.
J’ai fait appel au CMPA. Cela a permis de canaliser un peu toute l’énergie de ma fille et de pouvoir se poser un peu, ensemble. »
M.

« Le confinement c’est comme si tu étais en prison.
Tu es obligée de rester à la maison avec l’enfant, de le gérer, gérer ses frustrations. Ma fille, le confinement l’a rendue de plus en plus nerveuse. Dans le centre où je suis hébergée on n’avait pas le droit d’aller les unes chez les autres à cause du covid. La salle où les enfants jouent d’habitude, et se retrouvent, était aussi fermée. C’était dur de se retrouver seule. C’était très dur aussi pour les enfants. Ma fille avait un an, cela faisait juste quelques mois qu’elle allait à la crèche et elle commençait tout juste à s’habituer à la séparation et à son monde.
A sa naissance on a passé 3 mois dans la rue. La maternité nous laissait revenir dormir le soir dans une salle avec d’autres parents dans la même situation mais le matin on devait partir avec nos bébés. Le soir il y avait des lits pour les bébés et nous les parents on dormait sur une chaise à côté. Pendant cette période ma fille a toujours été avec moi, contre moi. Je la portais contre moi car la poussette ce n’est pas facile quand on a nos affaires en plus du bébé et qu’on doit prendre le métro ou marcher dans la rue en attendant le soir.
Quand j’ai eu la chambre dans le centre ma fille a pu aller à la crèche c’est important pour elle d’avoir son monde à elle, de grandir avec d’autres enfants. Les enfants ça ne peut pas grandir que dans un monde d’adultes ils ont besoin de leur petit monde à eux aussi.
Donc le premier confinement ça a été très dur pour moi, pour ma fille. Pendant le confinement il y a eu moins d’espace de solidarité, pas d’espace pour souffler. Et mettre les enfants devant les écrans ce n’est pas bon pour eux alors il faut trouver des jeux, les occuper. C’est là que tu comprends que la crèche te manque énormément et que c’est un travail difficile. »
N.

« J’ai accouché à l’hôpital par césarienne le 2 novembre 2020 pendant le deuxième confinement. Mon fils s’appelle Mamadou.
Je suis restée 3 semaines à l’hôpital. Pourquoi ? parce que je vivais dans un hôtel qui ne pouvait pas accepter 3 personnes, c’est à dire mon mari, mon fils et moi. Je suis sans-papiers.
Ces 3 semaines à l’hôpital ont été dures, très dures. C’est mon premier enfant, la césarienne est douloureuse et je ne pouvais voir personne. Mon mari n’était pas autorisé à venir. Je n’ai eu de contacts que par téléphone avec lui, avec ma cousine aussi et une amie.
Je pleurais toute la journée. Je n’aimais pas la nourriture et je ne pouvais pas manger ce que je voulais. J’étais toute seule dans une chambre et personne ne s’est vraiment occupé de moi pendant ces 3 semaines. Je parle français mais pas très bien, C’était très difficile de parler avec les médecins. J’ai dû m’occuper de mon enfant toute seule.
A la fin, en me voyant pleurer toute le temps, l’hôpital a fini par trouver une solution d’hébergement pour que mon fils et moi soyons réunis avec mon mari.
Quand on n’a pas d’habitation à soi, le confinement c’est très dur. »
F.

« Le premier confinement je l’ai passé avec mes 4 enfants dans une pièce. Je suis logée à l’hôtel par le 115. Avec la fermeture des écoles j’ai dû organiser l’école à la maison, les devoirs. C’était difficile j’ai deux enfants qui sont au collège (12 et 13 ans), une fille en primaire et un bébé qui avait tout juste 4 mois à cette période.
Heureusement le collège nous a prêté une tablette, la maîtresse nous appelait et nous envoyer des documents mais je n’avais pas d’imprimante pour imprimer les documents envoyés et ce n’est pas possible d’en acheter une avec les tickets que nous donne le 115. Heureusement mes enfants ont l’habitude de bien travailler donc nous nous sommes débrouillés avec les téléphones portables pour les leçons de la petite et la tablette fournie par le collège pour les grands et ils ont réussi à suivre.
Ce n’était vraiment pas facile dans un petit espace de ne pas se gêner, et entre tout ça je n’avais plus de temps pour moi, mais l’école c’est important.
Le 115 nous a donné des tickets pour acheter à manger mais sinon tout était fermé, les parcs, les associations, la préfecture alors que j’attendais la réponse d’une demande de titre de séjour. »
A.

Le projet La Ronde des Femmes est soutenu par la Fondation Paris Habitat, la Fondation Abbé Pierre, la CCFD Terre-Solidaire et l’ARS Ile-de-France.