La prise en compte du genre dans l’analyse de la FASTI
À partir de 1974, avec la fermeture des frontières et l’organisation institutionnelle du regroupement familial la question des femmes sort de l’invisibilité. Des actions se mettent en place dans les ASTI et la FASTI intègre peu à peu la dimension de genre dans son analyse des politiques migratoires.
La prise de conscience d’un parcours d’immigration spécifique aux femmes
C’est au congrès de Lyon en 1979, que les ASTI décident que « la FASTI portera un effort particulier en direction des femmes et des jeunes, et favorisera leur expression au sein du mouvement ». Ce travail amènera le mouvement à la prise de conscience du parcours spécifique des femmes et à revendiquer un statut autonome pour les femmes migrantes. En effet, oubliées des politiques publiques et pensées par les politiques migratoires uniquement en tant que « femmes de », « mères de », « fille de », elles sont par leur statut juridique « dans une situation de dépendance et de double discrimination : face à l’autorité patriarcale (exercée par le père, le mari, le frère), face aux pouvoirs publics » (Extrait du texte de constitution du secteur Femmes- 1981).
Au congrès de Bordeaux en 1981 il est décidé qu’ « un travail supplémentaire (…) en vue de leur autonomie et de la prise en compte de leur vie en tant que femmes » sera mis en place, et la création d’un secteur Femmes est votée. Les bases de son action sont posées : visibiliser, mobiliser et sensibiliser l’opinion publique, mais également le mouvement des ASTI, sur les inégalités et les discriminations vécues par les femmes immigrées.
La création d’une commission nationale « Femmes » : espace d’autonomisation et de luttes
Dans les années 80, la commission organise de nombreuses rencontres et formations en direction des militant-e-s, produit des outils afin d’informer les femmes sur leurs droits et soutient les associations des premières concernées. Parallèlement les militant-e-s de la commission travaillent en lien avec le Bureau national afin que la double oppression des femmes étrangères devienne un axe de travail de la fédération. La FASTI va ainsi intégrer dans son analyse globale celle de genre et va ainsi penser l’impact des politiques migratoires, du racisme et des politiques néocoloniales sur les femmes.
De la nécessité d’articuler le féminisme et l’anti-racisme
Dans les années 90, le mouvement des ASTI porte la question des femmes étrangères à la fois dans les mouvements féministes et dans les mouvements de l’immigration en nouant des liens avec de nombreux collectifs (Coordination des Associations pour le Droit à l’Avortement et à la Contraception, Collectif national droit des femmes) et en participant à la création d’autres (Rajfire, Action et Droits pour les Femmes Exilées et Migrantes). Ces échanges permettent l’enrichissement mutuel et le développement au sein de la FASTI d’une pensée articulant féminisme et anti-racisme. Un nouveau tournant et une nouvelle dynamique se mettent en place après le congrès de Valence en 1997 : la commission s’affirme résolument féministe et se réorganise en non-mixité pour que les femmes se positionnent entre elles et pour elles-mêmes, sur les questions qui sont propres à leur statut de femmes.
Penser l’articulation des différents systèmes d’oppressions pour penser les migrations
A partir des années 2000, la commission Femmes affine son analyse de l’articulation des systèmes d’oppression et dénonce les conséquences des politiques néolibérales et néocoloniales sur les femmes. La solidarité avec les luttes et résistances des femmes dans le monde devient un axe important de la commission porté et nourri, notamment au sein du mouvement, par les femmes issues de l’immigration. La FASTI participe à des réseaux internationaux tels que la Marche mondiale des Femmes, à des Forums sociaux, et s’implique dans des campagnes (contre le génocide en RDC, contre les féminicides). En 2005, interpellée par les ASTI, la commission se saisit de la question de la prostitution et organise un colloque sur « l’exploitation des femmes étrangères » dans lequel elle dénonce la criminalisation des prostituées (délit racolage passif, retrait du titre de séjour), l’absence de protection et lance une campagne « Pour sortir de la prostitution, un titre de séjour ! ». Par ailleurs, au cœur du débat sur la « laïcité », le mouvement féministe se déchire et ne trouve pas de position unanime. La FASTI n’aura de cesse de dénoncer le dévoiement de la laïcité et l’impact des lois votées sur les conditions de vie économiques, politiques et sociales des femmes.
Aujourd’hui de nombreuses ASTI ont une « commission femmes », espace de solidarité, de création collective, de luttes et d’auto organisation.
La FASTI, avec ses partenaires, porte dans l’espace public les questions qui touchent à la vie même des femmes (lutte contre les discriminations, campagne contre la double violence, réflexion sur l’articulation racisme/sexisme…) avec l’objectif de trouver les voies et les moyens à même de faire progresser les droits des femmes tout en respectant l’identité de chacune, l’auto-organisation et la parole des premières concernées.
La Commission Femmes de la Fasti est un cadre de combat continu. Lutter pour l’autonomie et l’égalité de toutes les femmes nécessite de ne pas isoler le féminisme des autres luttes contre les inégalités (sociales, en fonction de l’origine). Ce n’est qu’en tenant compte de l’articulation des rapports sociaux de domination (sexe, classe, « race ») qui traversent notre société que nous pourrons lutter pour une réelle égalité.