La régularisation de tou-te-s les sans-papiers : c’est maintenant !
Avril 2020 - La situation de crise sanitaire actuelle exacerbe encore plus les inégalités de droits que vivent les personnes en situation irrégulière en France et elle en augmente même la détresse.
En effet, certain-e-s d’entre elles continuent à travailler. Ils et elles sont en première ligne dans les activités de nettoyage, de tri des déchets, d’aide à la personne, de l’agriculture, du commerce, de livraison et de la sécurité. Ces activités sont indispensables et essentielles en toute situation et ont un rôle essentiel que le contexte d’aujourd’hui révèle formidablement bien. Ils/elles sont aussi nombreux-ses dans les activités de l’hôtellerie et de la restauration, largement impactées par la crise sanitaire.
Ce sont des travailleurs et des travailleuses comme les autres sauf que, travaillant pour la plupart de manière non déclarée, ils/elles ne peuvent pas se prévaloir d’un droit de retrait, ni d’un chômage partiel. Ils/elles sont privé-e-s de toutes ressources, amplifiant l’angoisse et la détresse pour des personnes qui font vivre des familles.
Comme si l’exploitation de cette main d’œuvre corvéable ne suffisait pas, on voit ça et là des préfets appeler des demandeur·euse·s d’asile et des réfugié·e·s à l’aide en tant que saisonnier-e-s, poursuivant ainsi la logique utilitariste envers les personnes migrantes.
Ces personnes vivent et travaillent aux côtés des autres habitant·e·s mais la privation de leur « droit au séjour » les rend plus vulnérables. Comme tout le monde, ils/elles peuvent sortir pour aller faire des courses, une activité physique, s’occuper d’une personne vulnérable, etc… sauf que, sans titre de séjour, la crainte de se retrouver avec une OQTF ou en centre de rétention est une réalité que vivent plusieurs sans papiers. Cette crainte est d’autant plus présente que les contrôles policiers ciblent particulièrement les quartiers populaires dans lesquels vivent et/ou fréquentent beaucoup d’entre eux/elles.
Au-delà du fait que notre Mouvement se bat depuis toujours contre l’enfermement des personnes étrangères, la situation actuelle dans les CRA, véritables lieux de risques avérés de propagation du virus, devient de plus en plus indécente, dangereuse et même illégale, en l’absence de possibilité d’éloignement du territoire.
C’est le sens de la révolte de ce week-end dans les CRA. La FASTI condamne la répression dont sont victimes ces personnes qui demandent justement de ne pas être exposées à la mort. Nous réitérons l’exigence humanitaire et sanitaire de libérer toutes les personnes retenues. La FASTI se joint aux nombreuses voix qui s’élèvent pour la libération de tou·te·s les retenu·e·s et la fermeture des CRA.
Nous sommes aussi indigné·e·s du sort qui est réservé aux personnes vivant dans des campements à la suite des opérations de mise à l’abri. Ils/elles sont rassemblé·e·s dans des espaces collectifs, comme des gymnases, peu propices à endiguer l’infection au COVID 19. Cette mise à l’abri ressemble à une mise à l’écart et pourrait se révéler être une véritable mise en danger.
La FASTI est aussi inquiète des conditions de vie dans les foyers de travailleurs migrants et de tous les lieux d’habitation collective : surpopulation, promiscuité, absence de mise en place de mesures de protection. La FASTI demande que les personnes en grande précarité puissent vivre leur confinement dans des espaces décents et respectant les règles de précaution sanitaire aussi bien pour les personnes seules ou vivant en famille.
Cette situation de crise met une nouvelle fois en évidence l’arrogance et le mépris du pouvoir mais aussi son incapacité à prendre en compte la réalité de celles et ceux qui n’ont rien. Elle met cruellement en lumière la rupture de classe que produisent les politiques ultralibérales en œuvre depuis des décennies et accentue les inégalités en favorisant les classes supérieures, les patrons d’entreprises, les banques mais ne protège pas les travailleurs, les précaires, les migrant-e-s.
Elle renforce les rapports asymétriques et de dominations entre les Nords et les Suds, entre les États qui possèdent les meilleures infrastructures de santé et de recherche et le budget pour faire face à la pandémie et les autres, et renforce le racisme envers ces pays et leurs ressortissant·e·s. Cette crise sanitaire montre l’échec d’une politique migratoire qui était mortifère avant, qui risque de l’être pendant. Il ne faut pas qu’elle le soit après.
Alors que nous faisons face à l’une des épreuves les plus difficile comme la mort d’un proche et de ne pas pouvoir assister aux funérailles, nous ne pouvons pas oublier celles et ceux qui continuent à mourir en Méditerranée, aux frontières de Europe, dans le désert, dans nos villes et dans les CRA. Et à leurs familles empêchées depuis des années de pouvoir faire le deuil par l’absence de procédure d’identification ou de rapatriement des corps.
C’est pour cela que nous considérons que la régularisation des sans papiers, la liberté de circulation et d’installation est plus que jamais d’actualité. Il faut régulariser les sans-papiers ! Une régularisation pleine et entière ‒ et non pas sélective et éphémère tel que le Gouvernement portugais l’a décidé ‒ une régularisation qui permet à chacun-e de se projeter dans un avenir commun. Nous demandons la régularisation maintenant, et comme nous l’avons toujours fait, car la situation sanitaire a rendu visible, même aux yeux de celles et ceux qui ne veulent pas voir, l’indécence et l’inhumanité des conditions de vie faites aux personnes sans papiers.
Nous demandons la régularisation maintenant, et comme nous l’avons toujours fait, car la situation sanitaire a rendu visible, même aux yeux de celles et ceux qui ne veulent pas voir, les graves conséquences de l’absence d’accès aux droits.
Le simple fait d’évoquer un « jour d’après » est signe qu’il existe quelque chose de l’ordre de l’espoir, qui ne se faisait plus ressentir depuis un certain temps. Alors utilisons cet espace, soyons vigilant-e-s et repartons en lutte !