Le CESEDA s’inscrit dans une logique coloniale

Extrait de l’argumentaire de campagne pour l’abrogation du CESEDA (Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile)

Le Code Noir (1685), le Code de l’Indigénat (1875) et le CESEDA (2005) résument bien à eux seuls les différentes phases du colonialisme français : de l’esclavage lors de la « découverte » des Amériques (1ère phase), à l’expansion coloniale à travers la planète (2ème phase), jusqu’au néocolonialisme actuel (3ème phase) qui se caractérise par le maintien de liens coloniaux entre la France et ses anciennes colonies mais également par une propension de la France à considérer et traiter une partie de sa population comme des indigènes, des êtres de non-droits ou en tous cas de sous-droits. Le CESEDA est l’une des facettes de l’endocolonialisme, c’est-à-dire de la politique coloniale qui se déploie aujourd’hui au sein même du territoire français et encore plus férocement au sein des colonies actuelles rebaptisées « territoires d’Outre-Mer ».

Ces différentes phases du colonialisme ont permis, au fil de l’histoire, de développer et d’étendre le « modèle » capitaliste . Par la déclinaison concrète de ces phases qui s’est notamment traduite en termes juridiques, le Code Noir, le Code l’Indigénat et le CESEDA ont tous les trois appuyé l’exploitation capitaliste. Ainsi le Code Noir a permis l’accumulation primitive du capital à travers l’organisation de la traite et le « commerce triangulaire » en parallèle de l’expropriation et du pillage des indigènes. Le Code de l’Indigénat est venu soutenir l’expansion et la mondialisation du modèle capitaliste au sein de nouveaux espaces géographiques et au bénéfice des puissances occidentales industrielles. Enfin, le CESEDA permet encore aujourd’hui l’exploitation des travailleurs/euses étranger•e•s qu’ils/elles soient en situation irrégulière (en fournissant ainsi aux patrons une main d’œuvre corvéable) ou en situation régulière (en conditionnant l’obtention et le renouvellement du titre de séjour au bon vouloir du patron). Ainsi, à différents moments historiques, ces trois Codes ont permis d’organiser la gestion spécifique d’une population (esclaves, indigènes, étranger•e•s) dans une logique utilitariste.

Si le Code Noir, le Code de l’Indigénat et le CESEDA sont traversés par une même logique politique et économique, il est toutefois important de rappeler qu’ils sont de différentes natures et qu’ils ont eu des impacts différents sur les personnes concernées. Ainsi, le Code Noir définissait les esclaves comme des biens meubles et le Code de l’Indigénat définissait la personne indigène comme un sujet (donc libre). Le CESEDA ne définit pas le statut des personnes étrangères (qui est collectivement intégré dans nos imaginaires à travers l’organisation des sociétés en État-Nations) mais organise et fixe des conditions pour leur entrée et leur séjour sur le sol français.

Si ces trois Codes sont de différentes natures, il est intéressant de savoir que certaines dispositions législatives du CESEDA ont été inspirées du Code de l’Indigénat, notamment l’internement administratif et la déportation. L’internement administratif des indigènes était très peu encadré (lieu et durée non définis) et leur déportation avait lieu en Corse ou dans les autres colonies françaises. D’autres dérogations liées à la conception très étroite de la citoyenneté (qui considère que seuls les nationaux sont les citoyens) touchaient hier les indigènes et touchent aujourd’hui les personnes étrangères vivant en France. À travers des dispositions d’exception incluses dans le droit commun (hors CESEDA), l’absence de droit de vote et d’association (rétabli en 1981 pour les étranger•e•s) était également inscrite dans le Code de l’Indigénat.

Au-delà de cette relative continuité juridique, ces Codes sont surtout tous les trois l’expression d’un racisme d’État qui a des répercussions dans les représentations et l’imaginaire collectif. Nier la subjectivité même des personnes esclaves (Code Noir) ou nier les droits, la citoyenneté, l’existence légale des indigènes et personnes étrangères (Code de l’Indigénat et CESEDA) : cela reflète le mépris des institutions françaises à leur égard et encourage l’ensemble de la population à en faire autant.

Si aujourd’hui, avec le recul historique, le Code Noir et le Code de l’Indigénat sont largement décriés, le CESEDA est quant à lui très peu remis en cause malgré ses conséquences visibles sur les personnes. Les seules critiques du CESEDA sont faites à la marge, sur certains de ses articles, mais pas dans sa totalité. Rappeler les origines coloniales du CESEDA permet de mettre en avant l’urgence de son abrogation totale.