Restons vigilant·e·s
Communiqué de la FASTI du 23 mars 2020 : Au septième jour des mesures de confinement décrétées par le gouvernement, la FASTI ne peut que rester vigilante face à d’un côté des discours martiaux ; de l’autre des réalités de terrains où toutes les vies ne semblent pas avoir la même importance.
La FASTI ne minore pas la pandémie que nous sommes en train de vivre et les risques sanitaires réels encourus par la population. Ce risque a amené la FASTI à suspendre une partie de ses activités d’accueil et à mettre en place des permanences téléphoniques.
C’est parce que nous prenons au sérieux les risques sanitaires que nous sommes également vigilant-e-s au sujet de : de l’absence de protection de celles et ceux précarisé·e·s par des politiques de fermetures de frontières, de « désaccueil », et d’exploitations. Nous pensons à toute·s celles et ceux enfermé-e-s dans les CRA pour ne pas avoir le bon morceau de papier, à celles et ceux qui vivent dans des camps, squats, bidonvilles car exclu-e-s des droits sociaux, ou encore à toutes ces personnes exilé·e·s cherchant un endroit où s’installer, bloqué·e·s aux portes d’une Europe qui n’hésite pas à laisser mourir pour ne pas accueillir. Ces personnes sont confinées, sous surveillance, sans pouvoir auto-attester de leurs besoins de s’alimenter, se soigner …
Ces politiques ne sont pas nouvelles, et se construisent réformes après réformes. En 2018, la loi Asile Immigration restreignait encore le droit au séjour pour soins. Les dernières annonces en date de novembre 2019 annonçaient entre autres un délai de carence de 3 mois pour les demandeur·euse·
s d’asile. Ces politiques contribuent à alimenter le racisme ainsi que les débordements racistes de certains médias et sur les réseaux sociaux. Au-delà du droit des étrangers mais toujours dans une logique de rentabilité, on assiste depuis de nombreuses années à la casse du service public hospitalier rendant l’accès aux soins toujours plus compliqué, en particulier pour les plus précaires d’entre nous.
Les décisions politiques annoncées en cette période de crise sanitaire protègent certain·e·s et
mettent à mal d’autres, toujours les mêmes :
- Dans les campements, les personnes sont abandonnées. A Calais, par exemple, les alentours du campement ont été barricadés, empêchant les associations d’y accéder ;
- De nombreuses personnes restent à la rue, dont certaines très vulnérables. C’est le cas des mineur·e·s non accompagné·e·s qui n’ont pas de solution malgré quelques réquisitions de gymnases, de nombreuses femmes avec enfants, ou de personnes malades et sans domicile ;
- La fermeture des toilettes publiques est une décision comportant peu de conséquences pour les personnes qui ont un logement… mais qui ne se soucie guère des personnes que les politiques économiques ont mis à la rue, appauvri·e·s ;
Nous nous joignons à toutes celles et ceux qui demandent la mise à l’abri, et donc la protection de
tou-te-s et la réquisition des bâtiments inoccupés !
- Malgré certaines remises en liberté, les centres de rétention administrative continuent d’entasser les personnes migrantes dans des conditions sanitaires et d’hygiène indécentes et dangereuses ;
Nous nous joignons à toutes celles et ceux qui demandent la libération et la protection des
personnes enfermées !
- Dans les quartiers populaires, nombreuses sont les familles entassées dans des logements petits et/ou insalubres ;
- Des salarié·e·s sans papiers se retrouvent au chômage mais sans aucune indemnisation liée à la baisse d’activité ou, comme sur de nombreux chantiers, continuent de travailler sans protection ;
- La rupture numérique existe toujours en temps de coronavirus. Télétravail et « école par internet » sont impossibles pour beaucoup de salarié-e-s et enfants, faisant peser sur ces personnes des sanctions en termes d’emploi et d’éducation ;
- Impossible d’appeler le 15 ou autre numéro ad hoc quand on ne maîtrise pas la langue française ou en l’absence de téléphone ou de crédit ;
- Aux frontières de l’Europe, les personnes migrantes sont repoussées, les contrôles renforcés, le principe de non-refoulement largement piétiné, la situation en Grèce continue de se dégrader. De plus, les ONG de sauvetage en mer ont décidé de suspendre leurs activités pour des questions sanitaires, tout comme certaines actives dans les camps.
Nous dénonçons l’indécence des politiques gouvernementales : le mot « solidarité » répété à plusieurs reprises par le président Macron est creux, sélectif, hypocrite. Ce sont les politiques gouvernementales qui ont fragilisé toutes ces personnes, et ce sont ces mêmes politiques qui laissent de côté les plus fragiles et les plus pauvres. Le mouvement des ASTI reste vigilant face à ces mesures inadaptées aux personnes qui vivent à la rue, dans de petits appartements, aux sans papiers, aux demandeur·euse·s d’asiles, aux enfermé·e·s, aux personnes isolées. Ces personnes ont complètement oubliées. Et cela alors même que leur vulnérabilité va être aggravée par la réduction de l’assistance juridique, alimentaire et médicale.
Comment maintenir les liens de solidarité pendant cette période ?
Les ASTI font preuve de solidarité au quotidien, accompagnant dans des permanences administratives et juridiques de nombreuses personnes étrangères, animant des ateliers de français, organisant des espaces de rencontre, de soutien avec les sans-papiers. Dans cette situation exceptionnelle, nombre de ces activités sont stoppées, ou modifiées (avec la mise en place de permanences téléphoniques par exemple). Des actions de diffusion de l’information, de traduction sont mises en place pour maintenir des relations de solidarité. Nous n’avons pas les moyens de réagir seul. La FASTI appelle à des organisations collectives, unitaires, au niveau local comme national, pour soutenir les victimes directes des politiques mortifères actuelles et passées de l’État. Nous devons dénoncer ces pratiques, mais aussi, construire des formes de solidarité adaptées à la situation sanitaire actuelle.
Nous nous joignons à toutes celles et ceux qui déjà ont appelé à ne rien lâcher !
Restons à la maison mais aussi vigilant-e-s !
Dans cette situation exceptionnelle, nous devons continuer à dénoncer les mesures injustes que prend le gouvernement à l’encontre des sans papiers et des plus pauvres, comme cette autorisation exceptionnelle de déplacement pour toutes les personnes assignées à résidence. Pourquoi contraindre les personnes en procédures Dublin à se déplacer alors que les frontières sont fermées ? Même en situation exceptionnelle, le gouvernement continue une politique de harcèlement des personnes étrangères.
La peur des effets destructeurs du Covid 19 ne doit pas nous empêcher de mettre en oeuvre une intelligence collective pour faire entendre nos revendications sur le modèle des applaudissements
pour le service public tous les soirs à 20h, crier des slogans à certaines heures fixes, afficher des messages et mots d’ordre sur les fenêtres… Envoyons des mails aux préfet-e-s, au ministre de l’intérieur…. Montrons que nous sommes présent-e-s dans le débat public et que nous tenons aux
droits de toutes et tous !
Nous devons aussi rester vigilant·e·s sur les atteintes aux libertés. Il ne faut pas que cette situation
exceptionnelle devienne un laboratoire pour le pouvoir pour discipliner toute la société en situation « normale ». C’est pour cela que nous devons être attentifs/attentives à toute action qui dépasserait l’urgence sanitaire et continuer à faire entendre nos voix. Des mobilisations fortes ont eu lieu ces derniers mois, cette période ne doit pas les faire taire. Nous devons au contraire renforcer nos luttes, inventer de nouvelles mobilisations, de nouvelles solidarités.
Et nous resterons aussi mobilisé·e·s après cette période de crise sanitaire concernant les droits des personnes étrangères. Si en cette période de crise, certaines décisions sont positives (prolongation
des délais des titres de séjour, libération de certains prisonniers en CRA...), cela ne relève pas d’un changement des orientations politiques de chasse aux sans-papiers. Nous resterons vigilant·e·s aussi à la fin du confinement pour que les oublié-e-s des politiques de protection sanitaire, ne deviennent pas le centre des préoccupations policières et médiatiques.
Restons solidaires et mobilisé-e-s !
1 Voir les alinéas 6 et 7 ajoutés à l’article 1 du Décret n° 2020-279 du 19 mars 2020 modifiant le décret n° 2020-260
du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus
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