Le CESEDA renforce les inégalités liées au genre

Au-delà de la logique raciste du CESEDA qui impacte l’ensemble des personnes étrangères, ce Code participe également à produire et à reproduire des inégalités de genre. Ainsi les femmes subissent une double discrimination : en tant qu’étrangères elles sont soumises à des lois d’exception et en tant que femmes elles font les frais d’un Code qui s’est construit sur une perception sexiste des migrations dans laquelle les mobilités féminines sont perçues comme familiales et les femmes comme des rejoignantes (« épouses de », « mères de », « filles de »).

Aveugle aux rapports sociaux de genre qui traversent la société et aux inégalités structurelles qui impactent la vie des femmes (inégalité de salaires, féminisation de certains secteurs d’activité, inégal répartition du travail domestique, violences sexistes) le CESEDA a des impacts spécifiques pour les femmes étrangères.

Des conditions/exigences qui pénalisent encore plus les femmes

Par exemple, l’accès à la régularisation par le travail est beaucoup plus compliqué pour les femmes car les conditions exigées pour en bénéficier les pénalisent. Il faut avoir un temps plein, gagner au moins l’équivalent du SMIC. Or, on sait que les femmes sont de manière générale sur-représentées dans les emplois précaires (contrat à durée déterminée, temps partiels imposés), qu’il existe une ethnicisation de certains secteurs du marché du travail, notamment le secteur du soin et des services à la personne qui emploie en grande partie des femmes étrangères, ce qui est souvent synonyme de multiples employeur·euse·s. Or l’une des conditions de régularisation par le travail consiste pour l’employeur·euse à payer une taxe, ce qui se révèle être un obstacle de plus lorsqu’il s’agit de particulier·e·s.
Selon la même logique, les femmes ont plus difficilement accès à la procédure de regroupement familial qui est conditionnée à des ressources équivalentes au SMIC et à des conditions de logement (en termes de superficie et d’équipements). Ces conditions sont également exigées pour l’accès à la carte de résident de 10 ans.

Un Code qui contraint les femmes à se conformer à un modèle familial traditionnel

Alors qu’aujourd’hui les modèles familiaux sont très diversifiés, que les migrations féminines sont devenues beaucoup plus complexes et s’autonomisent, le CESEDA continue d’imposer aux femmes de se conformer à une certaine normativité de la famille et les place dans des situations de dépendance. Par exemple, pour les femmes dont le titre de séjour est lié à un conjoint, cela implique de vivre ensemble car il faudra prouver à chaque renouvellement de titre de séjour la vie commune (être mariée ne suffit pas), et de ne pas se séparer dans les 4 premières années sous peine de perdre son titre de séjour. Pour les mères d’enfants français, avoir un enfant hors mariage, être séparée du père, ou être dans une situation de non contribution du père à l’entretien de l’enfant entraîne la suspicion des préfectures et maintenant des services d’état civil qui bloquent leur demande. Alors qu’une grande partie des couples se sépare dans les 3 premières années, que les familles monoparentales sont de plus en plus nombreuses (des femmes majoritairement), que bon nombre de pères ne payent pas de pension alimentaire, tout cela pour les femmes étrangères est synonyme de refus ou de rupture de droit au séjour « justifiée » par l’idée qu’elles seraient des « fraudeuses » : elles se marient, font des enfants pour les papiers. Il y a clairement une intrusion de l’État dans leur vie privée. Bien évidement en tant que femme, sortir des normes et des rôles traditionnellement assignés aux femmes entraîne aujourd’hui encore des jugements, des discriminations mais dans la situation des femmes étrangères c’est l’accès même à des droits fondamentaux qui leur est refusé (droit au séjour, droits sociaux).

Un Code qui renforce et instrumentalise les violences de genre

L’existence du CESEDA, en tant qu’il organise la précarité administrative, économique et sociale des personnes étrangères, participe à renforcer les systèmes d’oppressions présents dans la société en permettant par exemple l’exploitation des personnes sans papiers ou avec un titre de séjour précaire, en plaçant les femmes étrangères dans des situations de dépendance au conjoint (chantage aux papiers, possibilité d’être dénoncée à la préfecture pour « mariage gris »), ou encore à l’employeur·euse. Il fait peser sur les femmes un risque accru de violences que ce soit dans la rue, dans le monde du travail ou au sein de leur couple.
Alors que l’on constate dans les discours une sur-visibilisation de certaines violences faites aux femmes, celles qui seraient le fait de « communautés jugées plus sexistes », celles qui seraient le fait de passeurs ou de réseaux ; on se rend compte dans les faits que ces discours et dispositions du CESEDA qui en découlent n’ont pas pour objectif premier de protéger les femmes. En effet, dans la loi, les quelques dispositions concernant les personnes victimes de violences restent très restrictives. Seules quelques « catégories » de personnes peuvent bénéficier d’un titre de séjour ou du renouvellement de leur titre de séjour au motif de violences : les femmes victimes de violences conjugales ou familiales à condition qu’elles soient conjointes de français ou conjointes d’étrangers entrées dans le cadre du regroupement familial, et à condition que la préfecture reconnaissent les violences, les bénéficiaires d’une ordonnance de protection (mesure qui a des conditions d’obtention précises car elle vise à protéger les personnes en situation de danger grave et immédiat), les victimes de traites des êtres humains ou les personnes victimes de proxénétisme à condition qu’elles s’engagent dans un parcours de sortie de la prostitution (pour lesquels il y a peu de moyens) ou qu’elles portent plainte. Dans la réalité, la protection accordée aux personnes reste différenciée en fonction de leur utilité dans une procédure judiciaire, de leur statut administratif, de leur nationalité (les ressortissantes algériennes sont exclues des dispositions concernant les victimes de violences car leur droit au séjour est régi par l’accord franco-algérien).