Les migrations internationales : un enjeu d’égalité
Cet article, rédigé à la demande du MRAP pour sa revue Différences, revient sur notre vision et nos positionnements sur les migrations internationales.
Depuis plus de 50 ans, le Mouvement des ASTI s’engage aux côtés des personnes étrangères partout en France à travers des actions de terrain (permanences juridiques, cours de français, groupes de parole etc.), des actions de sensibilisations (milieu scolaire, rencontres publiques etc.) et des luttes diverses pour faire changer les choses. Toutes ces actions sont guidées par des valeurs partagées, parmi lesquelles une manière spécifique d’appréhender la question des migrations.
Très tôt dans notre histoire, nous refusons d’agir sur cette question de façon humanitaire. Nous cherchons plutôt à politiser nos actions de solidarité, en étant également attentifs/ves aux relations établies, à la place des premier-e-s concerné-e-s au sein de notre Mouvement mais également à l’autonomie de leurs propres luttes.
Nous voyons les migrations internationales comme un fait inhérent à l’humanité. Les hommes, les femmes et les enfants ont toujours migré et continueront à le faire. A rebours d’arguments utilitaristes (qu’ils soient mobilisés de façon calomnieuse par les personnes qui souhaitent fermer encore plus les frontières ou de façon bienveillante par celles qui souhaitent les ouvrir), nous voyons dans les migrations internationales un enjeu d’égalité et de droits. Ainsi, nous n’adoptons pas une vision comptable des migrations en parlant de chiffres ou en comparant les coûts et les bénéfices dont le risque serait de déshumaniser et dépolitiser les analyses sur la question. Dans un monde où seule une partie de la population a le droit de circuler librement sans risquer sa vie et où l’autre partie est constamment stigmatisée et criminalisée pour exercer ce droit qui lui est refusé, les migrations sont également un enjeu très clair de justice sociale.
Comme de nombreux partenaires, nous chercherons à déconstruire les stéréotypes qui collent encore à la peau des personnes migrantes. Ainsi, il nous semble nécessaire de montrer que les parcours de migrations sont motivés par une multitude de facteurs qui s’imbriquent et qui ne peuvent être réduits à une situation de misère qui pousserait, presque malgré elles/eux, les personnes sur les routes de l’exil. Bien sûr, la situation dans les pays d’origine – parfois liée à des siècles d’esclavagisme, de colonialisme, de néo-colonialisme et d’exploitation des ressources naturelles – n’est plus viable pour de nombreuses personnes. Mais ces parcours de migrations sont également des projets autonomes vers une nouvelle vie, une nouvelle situation personnelle et professionnelle. D’ailleurs, à contre-courant d’une vision stéréotypée sur les migrations féminines qui voit uniquement les femmes comme des « rejoignantes », les femmes – qui constituent aujourd’hui plus de la moitié des personnes migrantes – ont leurs propres projets autonomes de migration dont elles sont pleinement actrices.
Deux revendications sont portées de longue date par notre Mouvement : l’égalité des droits entre les personnes françaises et étrangères et la liberté de circulation et d’installation. Concrètement, il s’agirait de permettre à chacun-e de pouvoir librement circuler, s’installer et bénéficier des mêmes droits sur le territoire français indépendamment de sa nationalité. Afin de se projeter dans la concrétisation de ces revendications, nous avons récemment lancé une campagne pour l’abrogation du Code des personnes étrangères (le CESEDA), seul Code qui cible spécifiquement une partie de la population qui réside sur le sol français. Nous assumons porter une vision utopique des choses mais refusons d’y voir là un problème. Ce sont nos utopies qui nous permettent de donner un cap à notre vision et de guider nos actions sur le terrain.